Au fil du temps

La mixité au concert entre étudiants de conservatoire et musiciens professionnels est à la fois émulation et connivence. Elle entraîne chez les jeunes musiciens en devenir un apprivoisement essentiel de la musique, une pratique véritablement incarnée de l’interprétation. Accompagner suscite alors la fraternité d’un chemin, une pensée commune et des réponses magnifiées.

Le répertoire est ici celui du raffinement de l’harmonie et des timbres autour d’une musique française lovée, sur plusieurs générations, dans la jouissance colorée du son et l’exactitude des rythmes.

Maurice Ravel fait frémir la chair invisible des Trois poèmes de Stéphane Mallarmé, offrant au poète une voie nouvelle pour libérer « les pensées ailées, les rêveries inconscientes de leur prison ».

La Barque mystique de Tristan Murail, avec ses alliages perpétuellement changeants, ses rythmes imprévisibles aux nécessités horlogères, vogue sur la palette d’Odilon Redon, à qui elle emprunte son titre et peut-être son humeur, entendue par le compositeur comme « volupté des déchirures, morosité délectable ».

De près, Jean-Luc Hervé scrute le son en usant de focales multiples, sur des zones de lisse micro-strié et des amplitudes qui forment à la fois le volume, les strates et le miroitement vivant de la matière.

Deux créations d’étudiants de la classe de composition du CRR de Boulogne-Billancourt intègrent naturellement le programme, car accompagner, c’est aussi savoir entourer d’interprètes solides et sensibles la génération émergente des jeunes compositeurs.